La Direction Générale des Impôts (DGI), pilier de la fiscalité haïtienne, célèbre son centenaire le 6 juin 2024. Créée en pleine occupation américaine, sous la présidence de Louis Borno, la DGI, initialement connue sous le nom d’Administration Générale des Contributions (AGC), a été instituée par la loi du 6 juin 1924. Cette loi visait à pallier l’insuffisance des moyens de recouvrement des impôts en centralisant cette fonction sous un organisme dédié.
Origines et Évolution
L’AGC fut créée pour assurer le recouvrement de tous les impôts, droits, taxes et redevances, à l’exception de ceux perçus par les Douanes. Placée sous la surveillance du Receveur Général des Douanes, cette institution jouissait d’une autonomie nécessaire pour remplir ses missions avec efficacité.
Face à l’inefficacité des autorités municipales, le gouvernement de Sténio Vincent, par l’arrêté présidentiel du 13 octobre 1932, confia à l’AGC la gestion partielle des finances publiques locales. Cette gestion fut étendue à l’ensemble des finances locales par l’arrêté présidentiel du 31 août 1942.
Depuis sa création, l’Administration Générale des Contributions a évolué sous cinq lois organiques : celles du 6 juin 1924, du 26 octobre 1961, du 22 juillet 1980, de janvier 1985 et enfin celle du 29 septembre 1987. Jusqu’en 1987, l’administration a conservé une structure dirigée par un Directeur Général, assisté d’un Directeur technique et d’un Directeur administratif. Les bureaux centraux étaient dirigés par des Chefs de bureau ou des Chefs de division, tandis que les bureaux provinciaux étaient supervisés par des Collecteurs des impôts dans les districts financiers et des Préposés au niveau communal.
Organisation et Déploiement Territorial
L’administration fiscale haïtienne est unique en son genre, avec une présence dans chaque commune du pays. Elle est structurée en Directions Départementales des Impôts (DDI) au niveau des départements, des Centres des Impôts (CDI) dans les arrondissements et grandes municipalités, et des Agences Locales des Impôts (ALI) dans les plus petites localités, chacune dirigée respectivement par des Directeurs départementaux, des Directeurs de Centre des Impôts et des Inspecteurs principaux.
En 1987, une réorganisation majeure conféra à l’Administration fiscale une nouvelle dénomination : la Direction Générale des Impôts. Cette réforme intégra également le service du fichier fiscal et la Régie du tabac et des allumettes, redéfinissant les attributions de la DGI.
Pour répondre aux besoins des différents segments de contribuables, deux directions spécifiques ont été créées : la Direction des grands contribuables (DGC) pour ceux ayant un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions de gourdes, et la Direction des moyens contribuables (DMC) pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 10 et 40 millions de gourdes.
Défis et Résilience
Le séisme du 12 janvier 2010 a lourdement frappé le siège social de la DGI, entraînant l’effondrement du bâtiment principal. Néanmoins, les archives, registres d’hypothèques et titres de propriétés, stockés dans la partie inférieure du bâtiment, ont été préservés. Malgré la perte tragique de plusieurs employés et cadres, la DGI a rapidement repris ses opérations. Dès le 3 février 2010, l’Unité de gestion et de contrôle fiscal (UGCF) était opérationnelle à Pétion-Ville, parvenant à collecter 8 millions de gourdes dès son premier jour de fonctionnement. Puis le Bureau Central de la DGI a été relocalisé à l’Avenue Christophe.
Huguens LUBIN, coordonnateur de l’Unité de Communication et des Relations Publiques de la DGI, souligne les défis et les succès de l’institution : « Toujours à la pointe de l’innovation, à l’affût du tout dernier état de l’art en matière de technologie et dans le souci de s’aligner aux meilleures pratiques fiscales internationales, la DGI continue sa modernisation à travers une nouvelle architecture de sa structure organisationnelle, la refonte et la rationalisation de son cadre réglementaire consacré dans le tout nouvel avant-projet de loi organique, l’élaboration de manuels d’organisation et de procédures, l’implémentation et le déploiement de tout un nouveau système d’information, en l’occurrence, le Revenue Management System communément appelé RMS. »
Initiatives et Progrès Récents
La DGI a entrepris plusieurs projets importants, notamment la modernisation des pratiques de gestion du foncier avec le Projet d’Informatisation du Registre Foncier d’Haiti (PIRFH) et du Registre d’Inventaire territorial Actualisé (RITA). « Le renforcement et le développement des compétences par une meilleure gestion des ressources humaines » est également une priorité. « L’acquisition de compétences et de connaissances pointues par le corps des vérificateurs dans les domaines de la fiscalité des activités complexes telles que la téléphonie mobile, le système financier et bancaire, les assurances et la construction a permis à l’administration d’engranger plus de 972 millions de gourdes, » précise Lubin.
Pour la première fois de son histoire, la DGI a œuvré à l’élaboration et à la publication du tout nouveau Code fiscal Haïtien, composé du Code Général des Impôts (CGI) et du Livre des Procédures Fiscales (LPF). Malgré les défis imposés par la crise sanitaire, les catastrophes naturelles, et la volatilité économique, la DGI a montré une remarquable résilience. « De 2020 à 2022, le niveau de mobilisation des recettes est passé d’environ 42 milliards de gourdes à plus de 62 milliards de gourdes, une augmentation de près de 50%, » note Huguens Lubin.
Une Vision pour le Futur
En entrant dans son deuxième siècle, la DGI mise sur la numérisation et la dématérialisation de ses services pour améliorer la gestion de proximité du contribuable, la transparence et la redevabilité. « Tout un ensemble d’activités ont été prévues pour faire entrer la DGI avec un autre visage dans le nouveau centenaire, » indique Lubin. Parmi celles-ci figurent la création d’une identité visuelle, le déploiement de RMS dans tous les offices de perception, le renforcement de la coopération internationale, et la modernisation des infrastructures.
Malgré les contraintes sociopolitiques, la DGI exprime sa gratitude envers ses cadres et agents répartis dans 150 bureaux de perception à travers le pays. « La DGI compte sur la synergie des uns et des autres pour bâtir et léguer une administration fiscale moderne, transparente, moralement stable avec des hommes et des femmes qualifiés utilisant les ressources technologiques adéquates dans un environnement serein, » conclut Huguens Lubin.
La Direction Générale des Impôts se tourne vers l’avenir avec la ferme intention de continuer à innover et à renforcer son rôle crucial dans l’économie haïtienne, aspirant à offrir un service de qualité aux contribuables d’aujourd’hui et de demain.